lundi 25 juillet 2016

Le Ciel et la Terre

Prédication audio 
Philippe ROIG:


lundi 11 juillet 2016

LES LEÇONS DE MON PERE

LES LEÇONS DE MON PERE

par P. Morier-Genoud (Radio Reveil 1976)

Comment les hommes parlent-ils de leur père? Ce petit mot si simple, si primitif “Papa”, cette expression “mon père”, que contiennent-ils quand nous les prononçons? Les mathématiciens, dans les équations algébriques, donnent à chaque lettre, à chaque terme, une valeur propre. Pour eux, si vous dites π,µ,β, vous dites quelque chose qui a une signification précise. Il a fallu Einstein pour trouver cette toute petite équation “e=mv2” qui a été à la base de la découverte de la désintégration de la matière.
Ainsi en est-il des mots “papa” ou “mon père”. Riches de reconnaissance, d’amour, de paix, de confiance pour certains; lourds de mépris, de haine, de révolte, de détresse, d’explosion pour d’autres!
Qu’exprimons-nous donc quand nous disons “papa”? Que ressentent nos enfants lorsqu’ils le disent? C’est là, voyez-vous, l’héritage que nous laisserons sur la terre, infiniment plus important que les biens matériels que nous pourrons léguer à nos descendants. Vous connaissez le poème de Victor Hugo que tant d’enfants ont ânonné un jour ou l’autre: “Mon père, ce héros au sourire si doux...” qui prend pitié d’un Espagnol de l’armée en déroute. Et puis, il y a Georges Chelon qui chante sa terrible chanson: “Ah ! te voilà, toi...”
Mais il y a aussi mon petit Pascal, ce petit Pascal dont j’ai déjà parlé et qui m’appelle “papy”, parce que je ne suis pas son père et parce que son papa, il ne le connaît pas. Son père, c’est un monsieur qui veut être “libre”, un homme anonyme qui ne veut pas prendre la responsabilité de ses actes ni en porter les conséquences.
Il y a aussi cet adolescent qui a écrit à ses parents la lettre suivante: “Pourquoi ne nous comprenons-nous pas? Vous aurez vite trouvé une réponse à cette question: nous sommes impolis et arrogants, nous voulons toujours en savoir davantage... Et puis vous nous comparerez à la jeunesse de votre temps... Pourtant nous vous demandons: Quand vous étiez enfants, êtes-vous restés devant la porte fermée au retour de l’école parce que votre mère devait travailler pour pouvoir acheter l’auto indispensable? Est-ce que les affaires, pour vos parents, étaient plus importantes que leurs enfants?
Vous avez tout fait pour nous, direz-vous. On vous croit. Mais avez-vous déjà compris que nous attendions plus de nos parents? Combien volontiers nous aurions échangé l’auto et la télé contre une vraie vie de famille! Quand nous étions petits, nous venions vers vous pour vous raconter nos soucis et nos détresses, ou parfois nos joies. Rarement vous nous écoutiez. La plupart du temps, vous ne preniez même pas garde à nous. Un enfant, ce n’est pourtant pas un être de second ordre! Il veut être pris au sérieux. Il réclame qu’on s’occupe de lui. Vous ne l’avez pas fait. Alors on s’est débrouillé tout seul avec nos problèmes, et vous n’avez même pas remarqué que nous nous éloignions toujours plus de vous. Vous nous avez toujours dit que nous restions à la maison pour des raisons financières. Eh bien oui! C’est vrai: nous vous quitterons le plus tôt possible. Qu’est-ce qui pourrait bien nous retenir?”
Dans cette lettre, ce sont les enfants qui quittent leur père. Et ces lignes reflètent une situation malheureusement vraie. Mais mon père à moi n’était pas de cette sorte. Il est mort le jour de ses 79 ans, il n’y a pas tellement longtemps. J’étais seul avec lui lorsqu’il a rendu son dernier soupir. J’ai senti son cœur s’arrêter, après plus de 200 milliards de pulsations. Et puis, trois jours plus tard, j’ai vu sur la place de mon village natal, dans les Alpes suisses, ces centaines de visages défiler devant nous, ces visages d’hommes, ouvriers, paysans, ingénieurs, professeurs, tous étaient venus rendre un dernier hommage à celui dont je puis dire: “C’était mon père”.
Il fut professeur de mathématiques pendant environ quarante ans. Il a enseigné une multitude d’élèves dans sa petite classe de l’Institut Henchoz. Il était sévère, mais il était juste. Il voulait que tout le monde comprenne, aussi recommençait-il souvent sa démonstration, s’efforçant d’être assez simple pour que chaque élève puisse saisir sa pensée. Pour lui, comprendre valait mieux qu’apprendre.
Il détestait la tricherie. Il détestait aussi les cadeaux Il n’était pas à vendre, ni à acheter! Il abhorrait les pots-de-vin, les privilèges, les coups de pouce.
Il était honnête avec tous, c’est pourquoi il saluait avec déférence les plus humbles des hommes, comme les plus élevés dans l’échelle sociale. Un ouvrier italien qui travaillait dans le pays, l’ayant remarqué, demanda un jour: “Qui est ce monsieur qui salue tout le monde en enlevant son chapeau?” Chez lui, le mot “démocratie” prenait une réalité vivante.
Mon père était aussi un homme fidèle. Fidèle à ses principes, Fidèle à sa femme, ma mère. Jamais je n’ai entendu de sa bouche une plaisanterie douteuse. Jamais je n’ai vu un regard ou perçu une intention qui eussent été pour une autre que pour celle dont il avait fait son épouse et avec laquelle il vécut pendant 46 ans. C’est ainsi que sans jamais aborder ce sujet, avec nous ses enfants, sans nous faire la morale dans ce domaine, il nous a inculqué la noblesse d’une fidélité définitive.
Notre civilisation s’oriente vers des objectifs qui sont bien éloignés de cet idéal. Sous prétexte de liberté, on bannit toute discipline. A la Sorbonne, lors de la révolte des étudiants, on a supprimé toutes les interdictions: plus d’interdiction de fumer, même le hachich, était-il écrit. Cela paraît certes agréable de bannir toutes les disciplines et toutes les exigences, celles du mariage, par exemple. La virginité, la fidélité conjugale, quels anachronismes antédiluviens! Un seul mari, une seule femme pour toute la vie! Quel ennui!
Cependant, réfléchissons aux conséquences de ces deux styles de vie qui nous sont proposés et ne bradons pas toute discipline sur l’autel de la liberté. Il y a des choses qu’on perd en une heure et qu’on ne retrouvera jamais!
Réfléchissons aussi au drame intérieur de ceux qui ne peuvent avoir une entière confiance en leur conjoint. Qu’est-ce que l’amour s’il n’est pas définitif, s’il n’est pas unique? Ce n’est plus de l’amour, c’est une passion passagère. Je suis profondément reconnaissant à mon père de ce qu’il a vécu dans la fidélité et en a démontré la réalité dans sa vie quotidienne.
Cela vaut la peine de prendre une vie entière pour démontrer qu’une vertu existe. “CQFD”: ce qu’il fallait démontrer! Que de fois mon père n’écrivit-il pas ce tétragramme sur le tableau noir de sa classe après une démonstration géométrique. Ce “CQFD” pourrait être inscrit dans la marge de sa vie, car elle fut la démonstration d’une certaine justice selon laquelle les mots n’ont pas tout à fait perdu leur sens ni le monde sa cohérence.
Mais je ne terminerai pas cette causerie sans attirer vos pensées vers un autre père et un autre fils.
Ce père dont la Bible dit qu’il est Le Père, appelé le Père des lumières, le Père de miséricorde, le Père de toute famille dans les cieux et sur la terre... Et le fils, ce Fils dont la Bible dit qu’il est “le Fils unique, le Fils de Dieu et le Fils de l’homme”... Avec quelle intensité, avec quel amour Jésus n’a-t-il pas prononcé ces mots “mon Père” ! C’est en lui et à cause de lui que ce Dieu terrible et parfois lointain de l’Ancien Testament devient “le Père”, notre Père!
Un des rares mots que le Nouveau Testament a conservé de la langue même que le Seigneur Jésus parlait, l’araméen, est un mot très simple, très court, c’est le mot “Abba”, qui correspond à notre “papa”, et que tout enfant prononce. Les premiers témoins du Seigneur ont dû être impressionnés de la manière dont Jésus parlait à son Père, et ils en ont gardé un souvenir ineffaçable. L’apôtre Paul dira même que l’un des signes distinctifs des chrétiens est cette invocation profonde et spirituelle: “Abba, Père”, signe d’une réconciliation accomplie entre le croyant et son Dieu, signe d’une communion d’où la crainte et la révolte ont été bannies.

Ainsi, quelle qu’ait été la vie de votre père humain, entrons et demeurons dans cette relation intime, personnelle et réelle avec Dieu, nous souvenant que le Seigneur Jésus nous a appris à l’invoquer en ces termes: “Notre Père qui es aux cieux...” Nous souvenant aussi qu’il nous a dit: “Entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le secret; et ton Père qui voit dans le secret te récompensera” (Matthieu 6/6,9).

lundi 4 juillet 2016

Apprendre l'obéissance

Prédication audio 
Philippe ROIG:


VRAIES ET FAUSSES PIETES

VRAIES ET FAUSSES PIETES

Robert Somerville  « carnet Croire et Servir avril 1971 »)
Le trait distinctif de la piété chrétienne, c’est la confiance, l’assurance que Dieu est vivant, qu’il se soucie de ses enfants, qu’il sait et veut ce qui est bon pour les siens. Le mot qui commande toute la piété chrétienne est celui que Jésus nous a enseigné à appliquer à Dieu : « Abba », Père. Le païen prie parce qu’il a peur. Il doit « amadouer » son Dieu, apaiser son courroux toujours à craindre, arracher sa faveur. Il prie, il pratique sa religion, par crainte de perdre la bienveillance de la divinité.
Le chrétien, au contraire, prie parce qu’il a confiance, parce qu’il reconnaît en Dieu le Père miséricordieux et bienveillant que Jésus-Christ lui a révélé, parce qu’il a, au nom de Jésus, la liberté de s’approcher de lui avec confiance (Éphésiens 3.12). Jésus résume fort bien cette différence dans le sermon sur la Montagne : « En priant, ne multipliez pas de vaines paroles comme les païens qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne leur ressemblez pas ; car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez » (Matthieu 6.7-8). Par ces mots, Jésus nous met en garde contre un premier danger de la fausse piété.
La piété fleuve
Le païen croit qu’en « forçant la dose », il a plus de chances d’être entendu. Ce que Jésus lui reproche, c’est de prétendre faire pression sur Dieu par la longueur de ses prières. Un rabbin d’autrefois disait : « Quand les justes font de longues prières, leurs prières sont exaucées ». Or, nous dit Jésus : «Ce sont les païens qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés ». Dieu n’est pas sourd, il n’est pas endormi et la prière n’a pas pour but de le réveiller.
Ce texte condamne, bien entendu, les répétitions inlassables de formules toutes faites, qui finissent par transformer celui qui prie en « moulin à prière». Mais ce ne sont pas seulement des mots répétés mécaniquement qui sont de vaines paroles. Les chrétiens évangéliques, qui se méfient des prières toutes faites, ne sont pas à l’abri des longueurs inutiles. Ils peuvent eux aussi en rajouter, comme pour faire pression sur Dieu. La prière dite « d’abondance » peut traduire la liberté du croyant devant Dieu ; elle peut aussi n’être qu’une prière abondante, qui attend plus de sa longueur que de l’amour de Dieu.
Il est vrai que Jésus nous exhorte à la persévérance dans la prière (parabole des trois amis et de la veuve importune) (Luc 11.5-13; 18.1-8). Mais s’il faut persévérer, ce n’est pas parce que Dieu est « dur à la détente », mais au contraire parce que rien, pas même son silence apparent, ne doit nous faire douter de lui. Jésus ne nous dit pas que Dieu est semblable à l’ami endormi ou au juge inique. Il est différent au contraire et cette différence s’exprime dans l’expression « à combien plus forte raison » (Luc 11.13). Il faut persévérer dans la prière parce qu’il ne faut jamais désespérer de Dieu.
La piété calcul
Une autre erreur, dans la piété, consiste à croire que si on se conforme scrupuleusement à ses obligations religieuses, on en sera forcément récompensé. La piété a pour but d’obtenir les bonnes grâces de Dieu, pense-t-on. Dieu met des conditions à sa faveur : ces conditions sont exprimées dans ses commandements. Il faut donc bien connaître les choses à faire et à ne pas faire, éviter tout ce qui est défendu et observer à la lettre tout ce qui est prescrit. La religion est alors une sorte de marché avec Dieu.
C’est en somme ce que pensaient les pharisiens. C’est là ce qui explique leur souci du moindre détail de la religion : l’observation du sabbat, de la pureté rituelle, des dîmes (Matthieu 12.1-5 ; 15.1-2 ; 23.23-24). Ils sont obsédés par la peur de mal faire.
La triste conséquence, c’est qu’ils ne savent plus reconnaître l’essentiel (c’est-à-dire l’amour du prochain) de l’accessoire (les prescriptions rituelles). Pire, leur souci de la loi les pousse à juger ceux qui ne l’observent pas dans le détail, qui ne sont pas en règle. D’où leurs critiques contre les disciples de Jésus et surtout leur incompréhension de l’attitude de Jésus, qui se faisait l’ami des pécheurs (Marc 2.15-17 ; Luc 15.1-2 ; 7.36-50).
Là encore, nous devons nous demander si cette attitude nous est tout à fait étrangère. Sommes-nous libres de tout calcul dans notre piété ? Ne nous arrive-t-il jamais de penser qu’elle nous donne des droits sur Dieu ? N’attachons-nous jamais plus d’importance à des détails de la piété ou du comportement chrétien qu’à l’amour du prochain ? Ce sont des questions que nous pose la Bible.
La piété étalage
Un des reproches adressés par Jésus aux gens pieux de son temps, c’est de faire étalage de leur piété (Matthieu 6.1-5; 23.5, 14, 25-28.). Il les accuse d’hypocrisie, autrement dit de jouer la comédie de la piété, de faire du théâtre avec leur religion. Ils se soucient au moins autant de ce que pensent les hommes que de ce que Dieu attend d’eux.
Les chrétiens d’aujourd’hui sont sans doute peu tentés d’extérioriser leur piété au coin des rues. Cela ne leur rapporterait que moqueries. Mais au sein de la communauté chrétienne, le danger existe. Le désir de gagner l’approbation des frères ou la peur d’être mal jugé peuvent jouer un rôle dans notre piété. Nul de nous n’est à l’abri de la tentation de se glorifier de sa vie spirituelle.
L’étalage de la piété oblige à mettre l’accent sur les formes extérieures, ce qui se voit, ce qui s’entend. Cela conduit aussi à un certain conformisme religieux. Certaines formes de piété sont suspectes, d’autres au contraire, recherchées dans telle ou telle Église. On a tendance à imposer un style de vie, un langage, un comportement, qui n’est pas tant inspiré par la Bible que par des traditions historiques. Il est curieux de constater l’absence de toute obligation relative aux formes extérieures de la piété dans le Nouveau Testament. Ce qui importe, c’est d’adorer Dieu en esprit et en vérité (Jean 4.24).
Celui qui vit sa foi « en esprit et en vérité » ne sera pas tenté d’en faire étalage. Les choses spirituelles ne se mesurent pas à des signes extérieurs. Par conséquent, le croyant s’abstiendra déjuger la foi de ses frères d’après la manière dont ils expriment cette foi.
Au contraire, celui qui fait étalage de sa piété ne cessera de se comparer aux autres, de juger leurs manquements et de se glorifier de sa supériorité. La parabole du pharisien et du publicain illustre parfaitement cette attitude (Luc 18.9-14).
La piété alibi
La piété, quelle que soit la forme extérieure sous laquelle elle se manifeste, n’est pas une fin en elle-même. Elle est un moyen de rester en communion avec Dieu, un moyen de grâce, dit-on généralement. Elle permet au croyant de « marcher avec Dieu », en restant attentif à sa Parole, en demeurant en liaison avec lui.
Elle ne doit pas être un domaine réservé de la vie, coupé de la réalité quotidienne. Tout au contraire, elle doit colorier toute la vie. Rien n’est plus grave qu’une religion, même sincère, même fervente, si elle ne transforme pas la vie, si elle ne conduit pas les croyants à accomplir la volonté de Dieu. Déjà les prophètes de l’Ancien Testament ne cessent de dénoncer la tromperie de ceux qui offrent des prières et des sacrifices à Dieu et se moquent de sa volonté dès qu’ils sont sortis du Temple (Esaïe 1.10-15 ; 58.3-10 ; Jérémie 7.1-11 ; etc). Jésus leur fait écho, en particulier dans ses condamnations des pharisiens (Matthieu 9.13 ; 23. 3-4, 14 ; etc). Le souci des obligations religieuses peut même être un obstacle à l’amour du prochain (Mathieu 15.3-6; Marc 3.1-5). Sous prétexte de faire passer Dieu avant les hommes, on néglige ce qui compte avant tout aux yeux de Dieu (Jacques 1.27).

En réalité, c’est toute la vie, et non pas certains gestes, dits pieux, qui doit être communion avec Dieu. L’apôtre Paul nous le dit clairement : « Je vous exhorte, frères, par les compassions de Dieu (parce que Dieu vous a aimés le premier), à offrir vos corps (c’est-à-dire vous-mêmes, toute votre vie) en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable » (Romains 12.1).